La mortalité par cancer du sein chez les femmes de moins de 50 ans s’effondre en une décennie

Par : Matthieu Gallet

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Le cancer du sein reste la première cause de mortalité par cancer chez les femmes dans le monde. Si la maladie touche majoritairement des femmes de plus de 50 ans, l’incidence chez les femmes plus jeunes est en augmentation depuis plusieurs années. Pourtant, une étude récente, présentée lors du congrès annuel de l’American Association for Cancer Research (AACR) en 2025, révèle une nouvelle encourageante : la mortalité par cancer du sein chez les femmes de moins de 50 ans a chuté de façon spectaculaire au cours de la dernière décennie selon ces statistiques, et les écarts raciaux en matière de survie se réduisent. Voici une analyse détaillée de ces résultats, de leurs causes, et de leurs implications pour la santé publique.

Un paradoxe : incidence en hausse, mortalité en forte baisse

L’étude, menée par le Dr Adetunji Toriola et son équipe du Siteman Cancer Center (Washington University School of Medicine, St. Louis), part d’un constat préoccupant : l’incidence du cancer du sein chez les femmes de moins de 50 ans, notamment celles nées dans les années 1980, a augmenté de 25% par rapport aux cohortes précédentes. Cette hausse concerne toutes les origines ethniques et raciales.

Pourtant, malgré cette progression, la mortalité spécifique au cancer du sein dans cette tranche d’âge a connu une chute spectaculaire entre 2010 et 2020. L’analyse, basée sur les données du registre SEER-17 et portant sur plus de 112 000 cas et 11 000 décès, montre que la mortalité est passée de 9,70 à 1,47 pour 100 000 femmes en dix ans. Cette baisse s’observe dans tous les sous-types moléculaires du cancer du sein (luminal A, luminal B, HER2-enrichi, triple négatif) et dans tous les groupes raciaux.

Les clés de cette amélioration : médecine de précision et innovations thérapeutiques

Plusieurs facteurs expliquent cette amélioration spectaculaire des taux de survie :

  • Progrès thérapeutiques majeurs : Depuis 2016-2017, l’introduction de thérapies ciblées (anti-HER2, immunothérapie, inhibition de la fonction ovarienne, inhibiteurs de l’aromatase) a profondément transformé la prise en charge, notamment des formes agressives (triple négatif, HER2+).

  • Meilleur dépistage : Bien que le dépistage systématique par mammographie commence à 40 ans, une meilleure identification des femmes à risque élevé a permis des diagnostics plus précoces.

  • Médecine personnalisée : Les traitements sont de plus en plus adaptés au profil moléculaire de la tumeur et aux caractéristiques individuelles de la patiente, maximisant ainsi les chances de succès.

Selon le Dr Ann Partridge (Dana-Farber Cancer Institute), ces innovations expliquent la majorité des vies sauvées, le traitement représentant environ 75% de la réduction de la mortalité, contre 25% pour le dépistage.

Des disparités raciales qui persistent, mais se réduisent

L’étude met en lumière une avancée majeure : la réduction des écarts de mortalité entre groupes raciaux. En 2010, la mortalité était nettement plus élevée chez les femmes noires non hispaniques (16,56 pour 100 000) que chez les femmes blanches non hispaniques (9,18 pour 100 000). En 2020, ces chiffres sont respectivement tombés à 3,41 et 1,16 pour 100 000.

D’autres groupes, comme les femmes amérindiennes et natives de l’Alaska, ont vu leur mortalité divisée par deux à partir de 2018. Ces progrès sont attribués à une meilleure diffusion des innovations thérapeutiques dans toutes les populations.

Cependant, des disparités subsistent : à 10 ans, le taux de survie relative reste inférieur chez les femmes noires non hispaniques (75,5%) par rapport aux autres groupes (>80%). Les femmes noires atteintes de cancer triple négatif affichent le taux de survie à 10 ans le plus bas (67,1%). Ces écarts sont principalement liés à l’accès aux soins, à la précocité du diagnostic et à l’adhésion aux traitements, plutôt qu’à des différences biologiques avérées.

Des différences de survie selon l’âge et le sous-type tumoral

L’étude révèle également que les femmes les plus jeunes (20-39 ans) présentent des taux de survie inférieurs à celles âgées de 40-49 ans : 86,6% à 5 ans et 78,5% à 10 ans contre 92% et 87,6% respectivement. Ce constat souligne la nécessité d’un dépistage ciblé chez les femmes à haut risque avant 40 ans.

Fait surprenant, chez les femmes de 20-39 ans, celles atteintes de cancer luminal A (habituellement le plus favorable) ont une survie à long terme inférieure à celles atteintes de luminal B après 5 ans. Ce phénomène, déjà observé dans d’autres études, reste mal expliqué et fait l’objet de recherches.

Implications cliniques et perspectives

Ces résultats sont porteurs d’espoir, mais appellent à la vigilance et à l’action :

  • Dépistage ciblé : Il est urgent de développer des outils de dépistage plus performants et d’identifier précocement les femmes jeunes à haut risque, notamment par l’analyse génétique et la prise en compte des antécédents familiaux.

  • Équité d’accès aux soins : La réduction des disparités raciales passe par un meilleur accès aux innovations thérapeutiques, à l’information et à un accompagnement personnalisé.

  • Recherche continue : Comprendre les mécanismes biologiques sous-jacents à l’incidence croissante et aux différences de réponse au traitement chez les jeunes femmes reste une priorité.

Ce que l’on peut retenir

La décennie écoulée a été marquée par des avancées spectaculaires dans la lutte contre le cancer du sein chez les femmes de moins de 50 ans. Grâce à la médecine de précision, à l’innovation thérapeutique et à une meilleure prise en charge globale, la mortalité a été réduite de plus de 80% en dix ans, et les inégalités raciales se réduisent. Toutefois, la vigilance reste de mise pour garantir à toutes les femmes, quel que soit leur âge ou leur origine, un accès équitable aux progrès médicaux et à une prise en charge personnalisée. L’objectif ultime : faire reculer encore la mortalité, jusqu’à la rendre exceptionnelle dans cette population.

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