L’élevage d’animaux à fourrure : une « autoroute virale » qui pourrait déclencher la prochaine pandémie, selon les scientifiques

Par : Matthieu Gallet

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Un article récent publié dans la revue Nature révèle des découvertes alarmantes concernant l’industrie de la fourrure. Une étude menée en Chine a mis en évidence que les fermes d’élevage de visons, de ratons laveurs et de renards pour leur fourrure abritent de nombreux virus potentiellement dangereux pour l’homme. Ces résultats soulèvent des inquiétudes majeures quant au risque de futures pandémies.

Un pont entre la faune sauvage et l’homme

Eddie Holmes, virologue à l’Université de Sydney en Australie, explique que les fermes d’élevage d’animaux à fourrure peuvent servir de pont entre les humains et les virus circulant dans la faune sauvage. « C’est ainsi que les pandémies se produisent », affirme-t-il. Cette déclaration souligne l’urgence de la situation et la nécessité d’agir.

Une étude révélatrice

L’étude en question est l’une des plus vastes jamais réalisées sur les virus hébergés par les animaux à fourrure en Chine. L’équipe de recherche, dont faisait partie Eddie Holmes, a découvert une grande variété de virus, comprenant à la fois de nouveaux agents pathogènes et des virus connus mais trouvés dans de nouveaux hôtes.

Les chercheurs ont analysé des échantillons de tissus pulmonaires et intestinaux prélevés sur 461 animaux morts entre 2021 et 2024. Parmi ces animaux, 164 appartenaient à quatre espèces élevées exclusivement pour leur fourrure : le vison, le renard roux, le renard arctique et le chien viverrin. Les autres animaux provenaient d’élevages et d’animaux sauvages utilisés pour leur fourrure, mais aussi pour l’alimentation et la médecine traditionnelle.

Résultats alarmants

Les chercheurs ont identifié un total de 125 virus, dont de nombreux virus de la grippe et des coronavirus. Parmi ces virus :

  • 36 n’avaient jamais été observés auparavant
  • Beaucoup ont été trouvés dans des espèces qui n’étaient pas connues pour les héberger
  • Certains virus présentent un risque particulier de transmission à l’homme

Par exemple, les chercheurs ont découvert :

  • Le virus de l’encéphalite japonaise chez des cochons d’Inde
  • Le norovirus chez des visons
  • Un virus de la grippe aviaire H6N2 chez un rat musqué (première identification de ce sous-type chez les mammifères)
  • Un coronavirus apparenté au HKU5, jusqu’ici identifié uniquement chez les chauves-souris, trouvé chez des visons

Cette dernière découverte est particulièrement préoccupante. Elle démontre que les fermes d’élevage d’animaux à fourrure peuvent effectivement servir d' »autoroute » pour les virus, leur permettant de passer des animaux sauvages à l’homme.

Espèces à haut risque

L’étude a classé une trentaine de virus comme particulièrement préoccupants en raison de leur capacité à sauter d’une espèce à l’autre. Les chiens viverrins et les visons portaient chacun dix de ces virus à haut risque, soit le plus grand nombre parmi toutes les espèces étudiées.

Appels à l’action

Face à ces découvertes alarmantes, les chercheurs appellent à la mise en place de mesures de biosécurité plus strictes dans les fermes d’élevage d’animaux à fourrure. Alice Hughes, biologiste de la conservation à l’Université de Hong Kong, suggère que l’industrie devrait imposer une transition vers la fourrure artificielle.

À défaut, elle propose d’améliorer la réglementation et la surveillance du commerce de la fourrure, notamment en :

  • Assurant la mise en quarantaine des animaux
  • Réduisant la surpopulation
  • Établissant des règles pour le nettoyage des cages
  • Contrôlant l’approvisionnement en nourriture et l’élimination des déchets

Linfa Wang, virologue à l’École de médecine Duke-NUS à Singapour, insiste sur la nécessité de surveiller étroitement les industries d’élevage et de commerce des animaux pour détecter les maladies émergentes.

Réponse de l’industrie

Mark Oaten, directeur général de la Fédération internationale de la fourrure, qui représente les fermes dans plus de 40 pays, affirme que les fermes doivent fonctionner selon les normes de biosécurité les plus élevées. Il soutient que les mesures de prévention et de surveillance mises en place par les éleveurs d’animaux à fourrure constituent « la meilleure boîte à outils pour atténuer davantage tout risque pour la santé du grand public ».

Un problème mondial

Il est important de noter que l’élevage d’animaux à fourrure est une industrie mondiale, bien que la plupart des fermes se trouvent en Europe et en Chine. En 2016, les fermes européennes ont produit 39,05 millions de peaux de vison, tandis que les fermes chinoises en ont produit 26,16 millions.

Cette étude publiée dans Nature souligne l’urgence de prendre des mesures pour réduire les risques associés à l’élevage d’animaux à fourrure. Bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour évaluer l’étendue de la menace, il est clair que cette industrie représente un terrain fertile pour l’émergence de nouveaux agents pathogènes dangereux pour l’homme.

Les décideurs politiques, les acteurs de l’industrie et les scientifiques doivent travailler ensemble pour mettre en place des mesures de prévention efficaces. Que ce soit par une transition vers des alternatives plus sûres comme la fourrure artificielle, ou par un renforcement drastique des normes de biosécurité, il est crucial d’agir rapidement pour prévenir le risque d’une future pandémie issue de cette « autoroute virale ».

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