Faire du pain à la main est pour moi le meilleur test de mes performances en ce qui concerne la sclérose en plaques (SEP). En plus d’être un excellent moyen de déstresser, cela me permet de mesurer les effets de ma maladie sur mes capacités physiques et cognitives.
Ma SEP est une forme progressive de la maladie, plus précisément la forme secondaire progressive. Contrairement à d’autres personnes atteintes de SEP, je ne souffre pas régulièrement d’exacerbations ou d’attaques qui perturbent ma vie. Au contraire, mes capacités sont progressivement réduites par la maladie.
J’essaie de ne pas me focaliser sur mes capacités qui diminuent, mais j’aime les observer et m’accrocher à celles qui me restent, même si elles s’amenuisent. Faire du pain me permet de suivre mes capacités et de m’accrocher à elles comme on s’accroche à un souvenir précieux.
J’ai plusieurs méthodes pour évaluer mes performances, et celle qui est la plus agréable et savoureuse offre plus de contrôles et d’avantages que l’on pourrait imaginer.
Faire du pain nécessite de suivre plusieurs étapes, chacune étant essentielle pour produire une miche parfaite. La première étape est la mesure précise des ingrédients. En tant qu’ancien chef, j’utilisais des formules basées sur le poids de la farine, ce qui implique des calculs mathématiques. Cela me permet de tester mes compétences cognitives et de voir si j’ai une bonne ou une mauvaise journée.
La mémoire joue également un rôle lors du mélange de la pâte, notamment pour ajouter le sel au bon moment. Si j’oublie d’ajouter du sel, le goût du pain est immédiatement affecté.
Une fois la pâte prête, elle a besoin d’une période de repos pour que la levure puisse faire son travail. Cette pause me permet également de reprendre des forces, car faire du pain demande un effort mental et physique.
La perception des proportions relatives est mise à l’épreuve lors du portionnement de la pâte. Certains jours, je suis précis dans mes mesures, d’autres jours je fais des erreurs. Heureusement, la pâte a une autre période de repos pour corriger mes erreurs.
La force et le contrôle de mes mains sont testés lorsque je façonne les boules de pâte. Mes compétences en dextérité sont réduites, ce qui rend cette étape plus difficile. Mes baguettes ne ressemblent plus aux baguettes françaises traditionnelles, mais cela n’a pas d’importance. J’ai appris à m’adapter à ma vie avec la SEP et à accepter que certaines choses ne soient plus aussi bonnes qu’avant.
Enfin, lors du transfert des pains sur la pierre à pâtisserie du four, ma dextérité, mon équilibre et ma force sont mis à l’épreuve. Si je sens que je ne peux pas le faire en toute sécurité, je m’adapte et je fais cuire le pain sur une poêle. Ce n’est pas la même chose, mais cela fonctionne.
Faire du pain me permet de constater les différences entre ma vie d’avant et ma vie avec la SEP. Cela met en évidence les changements que j’ai subis au fil des années, mais je ne passe pas trop de temps à regretter. Au contraire, j’apprécie le processus et le plaisir de déguster un délicieux pain frais à la fin.
En conclusion, la cuisson du pain à la main est un test d’aptitude à court et à long terme pour moi en tant que personne atteinte de SEP. Cela me permet d’évaluer mes compétences cognitives, ma dextérité physique et ma capacité à m’adapter. En plus, cela me procure une forme de satisfaction et de plaisir qui ne peut être obtenue avec d’autres tests.