Des chercheurs ont découvert que le plasma pTau181 peut prédire la maladie d’Alzheimer chez les patients du monde réel, offrant ainsi aux cliniciens un moyen moins invasif de dépister la progression de la maladie et d’améliorer l’intervention précoce dans les cliniques de mémoire.
Étude : Valeur clinique du plasma pTau181 pour prédire la pathologie de la maladie d’Alzheimer dans une grande cohorte du monde réel d’une clinique de mémoire. Crédit image : Kateryna Kon / Shutterstock
Dans une récente étude publiée dans le journal eBioMedicine, un groupe de chercheurs a évalué l’utilité clinique du Tau phosphorylé en thréonine 181 (pTau181) comme biomarqueur prédictif de la pathologie de la maladie d’Alzheimer (MA) (un trouble cérébral progressif qui entraîne une perte de mémoire et un déclin cognitif) dans une grande cohorte de clinique de mémoire du monde réel.
Contexte
L’épidémie de démence (un terme général pour les conditions causant une altération de la mémoire, de la pensée et du comportement, souvent observée chez les personnes âgées) présente d’importants défis économiques et sociaux, la MA étant la principale cause.
La détection précoce est essentielle, car les traitements actuels ne peuvent pas inverser les dommages irréversibles aux neurones. Alors que des biomarqueurs coûteux et invasifs comme la tomographie par émission de positons (TEP) et le liquide céphalo-rachidien (LCR) sont standard, les biomarqueurs plasmatiques comme le pTau181 offrent une alternative prometteuse, moins invasive.
Cependant, l’étude souligne que des recherches supplémentaires sont encore nécessaires pour valider l’utilisation clinique généralisée des biomarqueurs plasmatiques, en particulier dans des populations diverses et des évaluations longitudinales, pour garantir leur fiabilité dans différents contextes.
À propos de l’étude
Les participants ont été informés des objectifs de l’étude et des procédures avant de donner leur consentement écrit conformément à la loi espagnole sur la protection des données. La confidentialité des patients et la confidentialité des données ont été garanties tout au long de l’étude.
Les protocoles de l’étude ont été approuvés par la Commission d’éthique de la recherche clinique de l’Hôpital Clinic de Barcelone, en Espagne, en conformité avec la Déclaration d’Helsinki et la réglementation espagnole en matière de recherche biomédicale.
Des échantillons de la collection couplée LCR/plasma, enregistrés auprès de l’Instituto de Salud Carlos III (Institut national de la santé espagnol) (ISCIII), ont été inclus. Les participants étaient des patients du monde réel du Centre Alzheimer Ace de Barcelone, principalement référés par des centres de soins primaires de la région de Barcelone.
Une équipe multidisciplinaire a établi des diagnostics, et des ponctions lombaires ont été proposées aux personnes atteintes de démence, de déficience cognitive légère (MCI) ou de déclin cognitif subjectif (SCD) qui ont consenti à participer.
L’étude comprenait trois cohortes indépendantes : la cohorte de modélisation (n = 991), la cohorte de test (n = 642) et la cohorte de validation (n = 441), avec des caractéristiques démographiques et cliniques détaillées dans les tableaux accompagnants.
Des échantillons de plasma et de LCR ont été collectés et traités le même jour, suivant les protocoles de l’Initiative de normalisation des biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer. La quantification des biomarqueurs a été réalisée à l’aide des plateformes Lumipulse ou d’un dosage immunoenzymatique (ELISA).
Des analyses statistiques, y compris l’analyse de la courbe ROC et les régressions de Cox, ont été utilisées pour évaluer les niveaux de biomarqueurs et leur valeur prédictive pour la conversion en MA.
Résultats de l’étude
La corrélation entre le pTau181 plasmatique et le pTau181 du LCR était la plus forte chez les patients atteints de MCI qui étaient positifs à l’amyloïde bêta (Aβ+) et chez ceux atteints de démence de MA. En revanche, aucune corrélation n’a été observée chez les individus atteints de SCD ou d’autres démences.
La comparaison de deux techniques analytiques différentes du LCR a confirmé que cette variabilité n’a pas affecté la corrélation LCR/plasma du pTau181.
En examinant la répartition du pTau181 plasmatique à travers le continuum de la maladie d’Alzheimer, des clusters de données clairs sont apparus, notamment avec des niveaux élevés chez les patients atteints de démence de MA et des niveaux plus bas chez ceux atteints de SCD.
Des différences significatives de niveaux de pTau181 plasmatique ont été trouvées entre les MCI Aβ(+) et les populations les plus saines, mais pas entre les MCI Aβ(-) et les sujets atteints d’autres démences. Les niveaux de pTau181 plasmatique étaient notablement plus élevés chez les patients atteints de MCI avec au moins un biomarqueur positif, suggérant une neurodégénérescence accrue par rapport à ceux présentant des profils négatifs.
L’âge a joué un rôle significatif dans l’influence des niveaux de pTau181 plasmatique, en particulier chez les patients de plus de 70 ans atteints de MCI Aβ(+), tandis que la présence de APOE ε4, l’amyloïdose et le statut cognitif étaient également influents. Cependant, contrairement à d’autres variables, le sexe n’a eu aucun effet sur les niveaux de biomarqueurs.
Les analyses de la courbe ROC ont révélé une capacité robuste du pTau181 plasmatique à différencier la démence de MA des autres groupes. Dans un scénario du monde réel, une valeur seuil de 1,36 pg/ml a été identifiée pour détecter la pathologie de la maladie d’Alzheimer, avec une sensibilité élevée mais une spécificité modérée. Chez les patients atteints de MCI, une valeur seuil de 1,30 pg/ml a montré une forte capacité à différencier la MA prodromique de la MA non prodromique, avec une valeur prédictive positive et une valeur prédictive négative élevées.
Les niveaux de pTau181 plasmatique ont également été capables de prédire la conversion du MCI en démence. Les individus dont les niveaux de pTau181 plasmatique étaient supérieurs au seuil établi avaient un taux de conversion significativement plus élevé en démence que ceux en dessous.
L’analyse de suivi a montré que 50,8% des individus dont les niveaux de pTau181 plasmatique étaient au-dessus du seuil dans la cohorte de test sont passés en démence, contre seulement 13,4% de ceux avec des niveaux plus bas.
Cette tendance était constante à la fois dans les cohortes de test et de validation, les patients atteints de MCI présentant un risque de conversion à la démence de MA 84% plus élevé lorsque les niveaux de pTau181 plasmatique étaient élevés.
Ces résultats ont été étayés par les analyses de régression de Cox, qui n’ont révélé aucune différence entre les modèles ajustés en fonction de l’âge et du sexe et qui étaient cohérents dans plusieurs cohortes.
Limitations de l’étude
Bien que le pTau181 plasmatique offre des perspectives en tant qu’outil de dépistage de la MA, l’étude a souligné plusieurs limitations importantes. Tout d’abord, l’absence de mesures longitudinales signifie que la performance du biomarqueur dans le temps reste à évaluer, limitant les conclusions sur sa valeur prédictive à long terme.
Deuxièmement, la nécessité d’une validation supplémentaire dans des cohortes indépendantes, en particulier celles de différents milieux géographiques et démographiques, a été soulignée comme essentielle pour une application clinique plus large.
De plus, le potentiel de variabilité pré-analytique, telles que des différences dans la collecte et le traitement des échantillons dans plusieurs centres, peut impacter la généralisabilité des résultats.
Enfin, l’étude note que le pTau181 plasmatique seul peut ne pas être suffisant pour détecter la pathologie de la MA chez les patients atteints de SCD, ce qui indique que des biomarqueurs supplémentaires ou une combinaison d’entre eux pourraient être nécessaires pour ces stades plus précoces.
Conclusions
Pour résumer, le pTau181 plasmatique était corrélé au pTau181 du LCR chez les patients atteints de MCI et de démence de MA, mais pas chez ceux atteints de SCD ou d’autres démences. Les niveaux de pTau181 plasmatique augmentaient avec la progression de la maladie et prédisaient efficacement la conversion du MCI en démence de MA. Le pTau181 plasmatique présente un potentiel en tant qu’outil de dépistage de la MA, mais des tests confirmatoires restent essentiels pour le diagnostic.
Source : Plasma pTau181 predicts Alzheimer’s progression in real-world memory clinic patients